La décision du CRTC, c’est bon pour qui?
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Bonjour à tous, bienvenue pour une autre chronique sur le monde des télécommunications. Aujourd’hui, nous allons revenir sur la décision du CRTC du 15 avril 2021 concernant les services sans fil.
Il y a plus d’un an, le CRTC a débuté un processus de validation du cadre réglementaire canadien. Nous savons que les services sans fil du Canada sont parmi les plus dispendieux dans le monde. Le CRTC voulait vérifier si des méthodes pouvaient être mises en place pour rendre les services plus abordables. Ils ont évalué une panoplie de mécanismes possibles, des dizaines d’organismes et de compagnies sont passés devant le CRTC pour présenter leurs scénarios et finalement, le 15 avril dernier, ils ont accouché de leur décision.
C’est bon pour qui cette décision du CRTC? Premièrement, c’est bon si vous êtes un consommateur de « petit forfait ». Le CRTC a voulu s’assurer de rendre des services mobiles disponibles ou accessibles à tous les Canadiens en obligeant les 3 grands joueurs (Bell/Telus/ROGERS) à offrir des forfaits à tarif minimal. Par exemple, un forfait prépayé annuel de 100 $/année, également d’un forfait 3 go de données avec voix et textos pour 35 $ et pour finir d’un forfait d’entrée de gamme à 15 $/mois pour de l’utilisation occasionnelle. Le but est de s’assurer que tous les Canadiens puissent avoir accès à un service sans fil abordable. Le gouvernement oblige les 3 grands joueurs de mettre ces offres en place pour le mois de juillet prochain.
Pour les autres consommateurs, par exemple si vous êtes un consommateur ayant une utilisation de plus de 3 go de données par mois, il n’y a rien dans cette décision qui vous impacte directement. En revanche, cette décision est importante, car elle ouvre la porte à plus de concurrence pour le marché des joueurs régionaux. Ces joueurs, ce sont des entreprises de télécommunications qui sont présentement existantes et possèdent 2 choses : les fréquences qui leur permettent de faire du cellulaire ainsi qu’un réseau.
Dans les Maritimes, on retrouve Eastlink qui est une compagnie de câblodistribution, au Québec, il y a Vidéotron et SOGETEL. En Ontario, nous retrouvons TBAYTEL, dans le Nord du Québec, nous avons aussi SSI MICRO et Ice Wireless qui est une compagnie d’Iristel. Shaw qui est encore une compagnie indépendante dans l’Ouest et Xplornet qui opère une compagnie de téléphonie mobile au Manitoba en sont d’autres exemples. Nous avons donc une dizaine de compagnies au Canada qui opèrent des réseaux. Ils pourront dans les endroits où elles détiennent des fréquences, utiliser pendant 7 ans le réseau des 3 grands joueurs pour vendre des services mobiles au lieu d’être obligés de bâtir le réseau en premier afin de pouvoir vendre des services. Ils pourront faire l’inverse soit commencer à vendre et par la suite bâtir le réseau. Évidemment, cette décision accélère le niveau d’étalement des activités de vente de ces entreprises et apporte du positif pour la concurrence en général, car elles devront finir par bâtir leur réseau.
Une nouveauté au Canada que le CRTC à mise en place, c’est une obligation de transparence dans la continuité des communications entre les réseaux. À partir du 15 avril 2022, si un abonné quitte un réseau et se retrouve sur le réseau de Bell, par exemple, ses appels ne couperont pas. C’est une façon d’aider les entreprises régionales à étendre leur réseau graduellement tout en offrant une belle qualité de service à leurs clients. Cette décision devrait, selon le CRTC, permettre à ces entreprises que nous appelons ‘’joueurs régionaux’’ d’augmenter la concurrence.
Notons certaines entreprises, qui présentement possèdent des fréquences au Québec, par exemple COGECO et qui n’opèrent pas encore de réseaux. Ce sont des joueurs qui pourraient potentiellement décider de se lancer dans la bataille de la mobilité avec la décision du CRTC qui vient d’être prononcée.
À qui d’autre cette décision est-elle profitable? Drôlement ça va profiter aux 3 grands joueurs, puisqu’avec cette décision, le CRTC a fermé la porte définitivement à ce qu’on appelle dans le marché les MVNO, des entreprises de téléphonie mobile virtuelle. Depuis plusieurs années, il y a une certaine pression au Canada pour permettre aux entreprises qui ne possèdent aucune fréquence et aucun réseau d’acheter du service des autres réseaux pour lancer un service de façon virtuelle. Ces opérateurs ne possèdent aucune infrastructure.
Évidemment, cela existe déjà au Canada avec des ententes qui doivent être de gré à gré. Les 3 grands joueurs n’aiment pas trop « partager la tarte » alors pourquoi permettre à quelqu’un de venir chercher ses clients lorsqu’on peut le faire soi-même? C’est pour cette raison que nous ne voyons pas beaucoup de MVNO. Ceux qui existent sont des MVNO qui sont sous la volonté des 3 grands joueurs et leurs possibilités sont potentiellement limitées. Dans d’autres juridictions, par exemple aux États-Unis, il existe environ une centaine de MVNO en opération. Par cette décision, le CRTC a fermé la porte définitivement au MVNO obligatoire ou à l’entreprise qui espérait devenir MVNO au Canada.
Nous avons fait le tour des gagnants et des perdants. En résumé, le consommateur est potentiellement gagnant, les 3 grands joueurs sont gagnants (Bell, Rogers et Telus), car l’impact est beaucoup plus modeste par le fait que les MVNO n’ont pas été admis au Canada. Finalement, les entreprises qui voulaient commencer des MVNO sont les grands perdants.
Dans les prochains mois, nous allons voir comment cette décision sera implantée, car il y a des étapes à suivre avant la mise en place. Nous verrons si les 3 grands joueurs décideront de porter en appel ou de prendre quelques recours possibles pour soit faire annuler ou retarder cette décision du CRTC.
À très bientôt!
Daniel Gignac
Chef de l’exploitation
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